Transition énergétique : le défi des métaux
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Où trouver les minéraux nécessaires à la transition énergétique ?
Les technologies bas-carbone — éolien, solaire, mobilité verte — demandent beaucoup plus de métaux que celles liées aux énergies fossiles. Avec le développement du numérique, lui aussi très gourmand en métaux et en énergie, les tensions sur les approvisionnements se font de plus en plus fortes et sont appelées à s’amplifier dans les années à venir.
Sans minerais et sans métaux, pas de véhicules électriques, pas de panneaux photovoltaïques, pas d’éoliennes, pas de smartphones ni d’ordinateurs, et donc pas de transition écologique ni de développement numérique. Voici un aspect souvent ignoré des technologies du futur.
Des technologies gourmandes en métaux
Une voiture électrique nécessite 6 fois plus de minéraux qu’une voiture classique, une centrale éolienne terrestre 9 fois plus qu’une centrale électrique au gaz de taille similaire ; un smartphone, c’est 70 métaux différents, un panneau photovoltaïque ou une éolienne, 15 à 20. Le "passage à un système énergétique bas carbone devrait entraîner une augmentation considérable des besoins" souligne l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) dans son rapport publié en mai 2021.
Lithium, cobalt, nickel, cuivre, terres rares… Depuis une dizaine d’années, le développement rapide du numérique et des énergies vertes exerce une pression sans précédent sur un certain nombre de minéraux dits « critiques ». Selon l’AIE, leurs prix de plus en plus élevés et volatils pourraient compromettre ou ralentir la transition vers un futur désirable.
Une explosion des besoins
Dans son scénario Net Zero Emission censé permettre d’atteindre la neutralité carbone en 2050, l’AIE indique que, dans le secteur de l’énergie, par rapport à aujourd’hui, les besoins globaux en minéraux pourraient être multipliés par 6 d’ici 2040 : doublement des besoins en cuivre pour l’expansion des réseaux électriques, multiplication par 50 des besoins en métaux et par 100 des besoins en lithium pour le développement des véhicules électriques et des batteries, sans compter les besoins en cobalt, nickel ou graphite qui devraient connaître eux aussi une croissance intense dans les années à venir.
Malheureusement, « les chiffres montrent un décalage imminent entre des ambitions climatiques mondiales accrues et la disponibilité de minerais critiques indispensables pour concrétiser ces ambitions », prévient Fatih Birol, le directeur général de l’AIE.
Pourquoi de telles inquiétudes sur les approvisionnements ?
D’abord, il existe une forte concentration de la production de minerais et des métaux, avec la Chine qui maîtrise largement de nombreuses filières de transformation. La plupart des pays n’ont ainsi aucune indépendance pour ces matières premières. Pour le lithium, le cobalt et certains éléments de terres rares, les trois premiers producteurs représentent plus de 75 % des approvisionnements. La République du Congo produit par exemple 70 % du cobalt mondial et seulement 5 entreprises (2 chinoises, 2 américaines et 1 chilienne) assurent la production de 90 % du lithium.
Ensuite, pour lancer l’exploitation d’une ressource, il faut souvent du temps. Lorsque les investisseurs hésitent, les délais de mise en œuvre de nouvelles productions minières s’allongent encore, rendant les approvisionnements futurs encore plus incertains.
Raréfaction des ressources et problèmes environnementaux
L’inquiétude sur les approvisionnements provient également de la raréfaction des ressources. D’ici 2050, 90 % des ressources actuelles de cuivre, 83 % de celles de cobalt et 62 % de celles de nickel pourraient avoir été consommées. Par ailleurs, lorsqu’une ressource est très exploitée, sa concentration dans la roche diminue ; il faut alors davantage d’énergie — et donc d’investissement financier — pour l’exploiter. Ces « criticités » géologique et économique augmentent les risques de pénuries, d’incertitudes et d’envolée des prix.
Dernier sujet d’inquiétude : les conditions de travail des mineurs, fréquemment déplorables, mais aussi la pression sur l’environnement, notamment sur les ressources en eau. Dans les pays en situation de stress hydrique chronique, comme le Chili, l’Argentine ou l’Australie, l’activité minière, qui nécessite de très grandes quantités d’eau, peut entrer en concurrence avec l’agriculture et générer des conflits. Sans compter que, lorsque la concentration en minerais des roches diminue, davantage de roches sont extraites puis sont stockées dans des terrils qui augmentent le risque de fuite de substances toxiques dans l’environnement.
Diminuer les besoins et mieux gérer les approvisionnements
La réutilisation-réparation, l’« autopartage » et le recyclage des métaux pourraient contribuer à diminuer les besoins en métaux de 60 %. Mais pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, une meilleure gouvernance de l’ensemble des chaînes d’approvisionnement des technologies à faible émission de carbone à l’échelle mondiale sera indispensable. Elle devra s’accompagner de la promotion de mines plus responsables et durables sur les plans environnemental, social et économique, et de la relocalisation de certaines d’entre elles.
Au niveau européen, l’alliance ERMA (European Raw Material Alliance) rassemble plus d’une centaine d’acteurs européens (industries minières, universités, centres de recherche, etc.) dans le but d’assurer un accès fiable, sécurisé et durable aux métaux et aux minerais. L’Union européenne œuvre notamment à la promotion d’une filière lithium en finançant des projets de recherche avec l’Institut européen d’innovation et de technologie impliquant notamment la France, le Portugal, l’Espagne, la Suède et la Grande-Bretagne.
En France, un potentiel inexploité et de nombreuses zones à explorer
Au niveau français, selon le Pôle Avenia qui se base sur des études disponibles sur Mineralinfo, le sous-sol regorge de ressources en roches et minéraux industriels connues (antimoine, barytine, béryllium, bismuth, cobalt, étain, fluorine, germanium, lithium, niobium, or, silicium métal, tantale, titane et tungstène) parmi lesquelles figurent 13 des 30 métaux identifiés par l’Europe comme « critiques ». L’exploitation du lithium, présent dans le Massif central et le Massif armoricain associé à des granites et pegmatites à métaux rares, ainsi que dans les saumures géothermales d’Alsace, pourrait par exemple permettre à la France de devenir autonome pour cette matière première.
De nombreuses zones restent cependant à explorer : celles situées au-delà des premiers 50 à 100 mètres de profondeur, celles qui n’ont pas été couvertes par l’Inventaire minier mené entre 1975 et 1992 (un tiers des zones de socles, c’est-à-dire des massifs anciens) ou encore, en Guyane, celles situées en dehors du domaine côtier. Mais les méthodes d’exploration modernes pourraient permettre d’approfondir les connaissances et conduire à la découverte de nouveaux gisements.
Véronique Molénat, rédactrice scientifique
Sources